Pour une taxation écologique à la place d’une taxe sur le travail ?
jeudi 19 août 2010
Fin du débat entre Jacques Weber et moi à propos de la fiscalité environnementale, proposé par le blog Fiscalité Environnementale. Des pistes d’idées et des positions de Rodrigue Coutouly, principal d’un collège, agrégé d’histoire-géographie et ancien technicien forestier à l’ONF, et Jacques Weber, économiste, biologiste et membre du comité de veille écologique, qui intègre l’économie de l’innovation et des cleantech dans le cadre plus global du système économique français et du débat sur les retraites.

Rodrigue Coutouly : "Croire que la taxation écologique va entraîner l'abolition des taxes sur le travail : cela "suppose le basculement des régulations, le remplacement de tout ou partie des taxes et charges pesant sur les salaires et sur l'outil de travail". Cette vision est erronée et naïve: en plein débat sur les retraites, cela supposerait, par exemple, que l'on finance les futures retraites par une taxation sur l'essence ou la pêche. Cette organisation de la confusion des genres entraînerait tellement d'effets pervers qu'il n'est pas difficile de comprendre que cette idée n'a aucun avenir : elle supposerait que nos retraites dépendent ... de la consommation de pétrole ! Il faut, au contraire, revendiquer l'idée que la taxation écologique est un nouvel étage de politiques publiques, qui le rend certes, plus complexe. Mais mélanger problèmes écologiques et sociaux serait passer du complexe au compliqué. Il faut éviter le "basculement des régulations", accepter l'idée que la régulation environnementale se suffit à elle-même, possède sa propre logique qu'il faut intégrer."

Rodrigue Coutouly: "La majorité des observateurs qui s'intéressent à cette question et défendent la mise en place d'une fiscalité environnementale vivent dans leur époque. Or, l'époque est absolument rétive à l'impôt, conçu comme une privation de liberté et une contrainte. De plus, on craint toujours que une taxation diminue la compétitivité d'une économie. La seule façon pour ces promoteurs d'une fiscalité verte d'être conformes à leur époque semble être de proposer des taxes substitutives, qui en remplaceraient d'autres. Ce choix d'une fiscalité substitutive hypothèque, à mon avis, tout espoir de voir émerger une fiscalité environnementale efficace. En effet, substituer suppose de reconsidérer le système fiscal dans son ensemble et de trouver un nouvel équilibre à la fois financier et social, un nouveau contrat social en somme, ce qui semble bien difficile. En effet, je suis d'accord avec vous : "La sécurisation du financement me semble être la question pertinente." Or, cette sécurisation peut-elle être assurée si l'on taxe les consommations de nature? Comment vous le dites si bien, tout dépend quand on se situe dans le processus : dans une période transitoire ou dans une situation stabilisée d'économie décarbonée, auquel nous aspirons tous les deux? Prenons la phase transitoire, la plus immédiate. L'instauration d'un lien entre les consommations de nature et les recettes permettant de financer le chômage, les retraites et la sécurité sociale va créer un lien entre elles, une dépendance de la seconde envers la première. Il faudra donc bien maintenir ces consommations de nature si on veut financer notre système social. La sécurisation de ce financement ne sera donc en fait jamais assurée. Nos retraites dépendraient alors de la continuation de notre consommation de pétrole et autres produits issus de la nature. On mesure ainsi l'effet pervers. On le connaît déjà pour les taxes sur les cigarettes ou, de manière plus dangereuse pour la TIPP. Cette (fausse) taxe carbone est devenue si importante pour le budget de l'Etat que celui-ci n'a aucun intérêt à diminuer la consommation d'essence !D'autre part, ce choix déconnecterait, à terme, les charges sociales du principe de solidarité nationale, tout le pacte sur lequel se fonde le ciment européen serait remis en cause. C'est pourquoi je suis partisan d'une étroite spécialisation des contributions environnementales : une taxe sur l'essence doit servir à financer une organisation du transport décarbonée, limitant la voiture individuelle. Une contribution sur les sur-consommations en énergie des logements doit voir son produit utilisé pour investir dans l'isolation des logements. Ce choix me semble plus cohérent, simple à mettre en place et plus facilement régulable qu'un système complexe mêlant cotisations sociales et taxes écologiques."
TechnoPropres
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