Que faire, si les « énergies propres » ne sont pas propres ?

mercredi 23 avril 2008

Depuis quelques mois, nous assistons à un mouvement étrange… Une à une, le « bilan carbone » des énergies renouvelables est attaqué : celles-ci ne seraient pas assez « propres » ; elles émettraient trop de CO2.

La presse a largement relayé les critiques concernant l’éolien, symbole des énergies renouvelables, dans le cadre d’une campagne d’opinion orchestrée par la Fédération Environnement durable. Dans un rapport récent, la FED essaie de calculer le coût des éoliennes (paysages impactés, augmentation de la consommation de combustibles fossiles en cas de manque de vent) par rapport à leur apport : « très peu d'électricité produite », « des diminutions des émissions de CO2 non significatives ». De nombreux écologistes se sont opposés à ce constat, en qualifiant la FED d’association pro-nucléaire ou de mouvement « not in my backyard ». L’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et le Ministère de l’environnement ont aussi affiché leur scepticisme : Selon une note récente de l’Ademe, « sur l’année 2008, l’éolien permettra d’éviter l’émission de 1,65 million de tonnes de CO2 (…) En effet, la production éolienne se substitute essentiellement à des productions à partir d’énergies fossiles, comme le montrent les scenarios prévisionnels du Réseau de Transport de l’Electricité (RTE). En 2020, un parc de 25000 MW devrait permettre d’éviter l’émission par le secteur énergétique de 16 millions de tonnes de CO2 par an. »

Voilà pour l’éolien. Ce qui intrigue, c’est que les autres énergies, « propres » ou moins propres, sont toutes mises en cause.

Depuis quelques mois, les biocarburants sont aussi fortement critiqués, pour plusieurs raisons : ils feraient monter les prix alimentaires, ils encourageraient la déforestation et ils seraient encore inutiles, compte tenu du manque de voitures adaptées. Les Verts ont appelé l’Union Européenne à abandonner l’objectif de 10% de consommation d’agrocarburants dans les transports pour 2010 car ils sont « une vraie fausse bonne idée » et « même une idée meurtrière qui va affamer « la moitié de la planète ».

De nombreux doutes sont aussi en train d’apparaître concernant l’énergie solaire : la fabrication des panneaux serait polluante. On s’intéresse aussi au bilan carbone du nucléaire : si les centrales émettent peu de CO2, il a bien fallu les construire…

Loin de moi l’idée de trancher un tel débat, tant les questions de chiffres sont difficiles à trancher. Qu’on le déplore ou pas, l’évolution des temps fait que l’opinion publique ne se fie pas davantage à des données de l’Etat qu’aux rapports d’un groupe de pression.

Cette tendance inspire à l’observateur engagé (que je suis) quatre constats.

Premier constat : le fait d’analyser un peu froidement les solutions que constituent les technologies « propres » est justifié. Pourquoi, après tout, dépenser argent et effort à développer des remèdes qui peuvent être pires que le mal ? Récemment, un James Lovelock, l’écologiste, l’inventeur de l’hypothèse écologiste Gaia, a avancé que l’arrêt de la consommation des hydrocarbures accroitrait le réchauffement climatique. En effet, nous dégageons selon lui un nuage de particules dans l’atmosphère qui détourne une partie des rayons du soleil. Et il l’a dit devant la Royal Society de Londres, l’équivalent de l’Académie des sciences française. Que cela soit vrai ou faux, l’argument mérite réflexion…

Mais nous risquons de basculer dans une situation un peu hystérique, dans cette recherche du « plus blanc que blanc », dans cet emballement d’une logique vers le refus de toute émission de CO2 (« logique d’une idée », la façon dont la philosophe Hannah Arendt définissait l’idéologie). D’où un second constat : à tout remettre en question, nous risquons de négliger les possibilités des énergies renouvelables, de les empêcher de se développer, de tuer ce potentiel incroyable pour un écologiste investi. En effet, que découvrons-nous, étonnés ? Que toute activité humaine génère du déchet ? Voila qui est nouveau ! Sauf que certaines en produisent moins que d’autre, et c’est cela qui m’intéresse, en tant qu’écologiste. Effectivement, quand le vent est insuffisant, il faut des centrales pour produire de l’électricité. Mais quand il y a du vent…

Troisième constat : compte tenu de ce que l’on sait, peut-être faut-il s’occuper de la consommation d’énergie (la demande) davantage que de sa production (l’offre). Deux raisons à ce constat. D’une part, nous ne saurons peut-être jamais définir clairement les « bilans carbone » des différentes énergies, tant les groupes de pression hostiles ou favorables sont nombreux, tant les experts divergent et tant les situations doivent varier. D’autre part, l’évolution du prix du baril de pétrole le montre, nous ne pouvons exclure des situations de pénurie d’énergie, qui fassent exploser les prix de l’énergie et mettent en péril la vie des populations, notamment les plus fragiles. En effet, nos sociétés ont de plus en plus besoin d’énergie, parce qu’il y a une croissance démographique forte (6 milliards d’habitants aujourd’hui, contre 1,6 milliards en 1900) et parce qu’elles consomment davantage. Sans énergie, pas de chauffage, pas de lumière, pas d’appareils, etc.

Quatrième constat : dans un premier temps, au lieu de penser les énergies renouvelables comme substitution aux énergies actuelles, mieux vaut pour l’instant les considérer comme addition. Les technologies propres n’en sont qu’à leur démarrage : en 2004, elles ne représentaient que 13,7% de la consommation totale d’énergie. Il faut encore les expérimenter et les développer. Par exemple, les biocarburants de deuxième génération pourraient être plus satisfaisants que ceux de première génération.

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